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Luchini : de Nietzsche, de Rimbaud…

Je lis peu parce que je lis avec peine. C’est d’une grande peine ! Je ne peux qu’occasionnellement aller à la bibliothèque. Je dois donc acheter. Mais quoi, qui ?!? Pourquoi pas Dany l’« Éternel », Kim, Anne ou Réjean ? Alors, pourquoi Fabrice ?!?

Parce qu’il amène à lire, justement. Que je lis au compte-goutte. Dans Comédie française, le chapitre 8 est d’une délectation !

Permettez que je partage :

D’après Cioran, (Rimbaud) a « émasculé la poésie pour un siècle […] ». Il est aussi la névrose des comédiens. […] Avec Rimbaud, […] l’exécution sonore d’une voix d’acteur sur le texte est évidemment le plus grand acte d’impureté.

Puis, de Nietzsche :

« Je n’écris pas pour être compris, j’écris pour tenir à distance. »
(Sur les Américains) […] leur frénésie de travail – le vrai vice du nouveau monde – […] On a maintenant honte du repos ; on éprouverait presque du remords à méditer. […] La véritable vertu consiste maintenant à faire une chose plus vite qu’un autre.

C’était quand, ça, déjà ?!?
Mais encore : dans Le Gai Savoir :

On ne saurait être l’homme de sa spécialité que si l’on est aussi sa victime : c’est le prix.

Je ne lirai peut-être jamais Nietzsche, mais rien que ça…

Retour à Rimbaud. De sa solitude, F.L. déclare : « On est à l’inverse de notre époque de sursociabilité. Nous, nous voulons communiquer avec le monde entier sauf avec son voisin. » !!!
De sa poésie : « La poésie est un chant mais le compositeur n’a laissé ni partition, ni indication. Nulle part n’est indiqué où sont les notes noires et blanches. Rimbaud fait mine de le faire, « A noir, E blanc », mais c’est un délire. Où sont les blanches, les noires, les croches ? »
De sa propre diction : « Quelle diction avec Rimbaud ? Tous les jours je la cherche. […] Moi, j’ai compris que c’était simplement hallucinatoire […] »

Et il persiste…

Moi qui suis chanteuse, la diction a fait partie de mon apprentissage (en lyrique, c’est une nécessité, heureusement !) et m’a valu quelques bons compliments. Je trouve qu’aujourd’hui, le relâchement est plutôt dramatique. Particulièrement en musique populaire. Les chanteurs-ses ont beau avoir le micro en plein les amygdales… Les diseuses d’antan articulaient, elles !
À quand le retour des « e » muets ? À quand le retour des liaisons ?

Je continue ma délectation luchinienne. J’ai quand même d’autres livres en réserve.

Salut et bon été !

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De L’Art poétique (1674)

(Chant I)
Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
(Chant I)
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
(Chant I)
Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire.
(Chant I)
Il n’est point de serpent ni de monstre odieux,
Qui par l’art imité ne puisse plaire aux yeux,
D’un pinceau délicat l’artifice agréable
Du plus affreux objet fait un objet aimable.

Nicolas Boileau

Dieu que c’est donc pertinent !
À lire et relire…

 

Barbara et « moi »…

Étonnamment, le rapport que j’ai avec Barbara est plutôt récent.
Ma jeunesse, côté chanson française, a été bercée par le yé-yé et, parallèlement, plus particulièrement par Petula Clark, Nana Mouskouri et Frida Boccara, et en passant, tout de même, par Monic Leyrac – dans son formidable répertoire et sa façon bien personnelle de le faire connaître – !
À cette époque, j’avais encore développé peu d’affinités avec les Serge Reggiani, Léo Ferré, George Moustaki et Barbara, justement. Je trouvais qu’elle avait des tics musicaux et j’étais quelque peu étourdie par ses textes longs et denses.
Je lui ai donc préféré Serge Lama…
Il m’a fallu un long détour en chant classique et opéra pour me faire les dents sur la poésie classique et le théâtre. C’est là que j’ai réalisé – pour enfin apprécier – à ce point l’importance du texte afin de devenir excellent-e interprète.
Cette découverte est à la source de ma chanson Hymn’Mortels, que l’on retrouve sur mon album WZYZ… Code secret, un « Opéra-Chansons ».

Et Barbara, là-dedans ?
Comme la genèse de mon projet d’« Opéra-Chansons » ne date pas d’hier, pendant sa longue pré-production j’ai eu à faire entendre ici et là l’ensemble du programme, c’est-à-dire également les chansons qui ne sont pas incluses dans l’album-cd mais qui seront au spectacle-tour de chant.
C’est ainsi que mon ami P. B. me parle de Barbara, particulièrement le répertoire qu’elle chantait avant de se mettre à écrire, un répertoire de chansons anciennes et quelque peu loufoques.
Bon. J’écoute. En effet, ça me fait penser à Marie Dubas et c’est un répertoire que j’aime beaucoup puisque fantaisiste.
Puis, mon ami insiste également pour me faire comprendre que mes chansons sont dans le même esprit que celles qu’aura écrites Barbara tout au long de sa carrière. Ah ! bon ?
Je me mets à « l’ouvrage ». J’écoute. Tant qu’à écouter, lisons.
J’épluche donc à peu près tout ce qui a été publié sur elle, par elle également.
J’ai été soufflée par les nombreux rapprochements !
Je ne suis pas juive, je n’ai pas connu la guère et mon père ne m’a pas violée. Par contre, le contexte, l’intimité et ses nombreuses guerres, conter des histoires, parler de la douleur, même avec drôlerie.
Bien entendu, je n’ai pas son talent. Je me suis mise bien tard à l’écriture…
Ainsi, lors de la post-production, j’ai eu la chance d’assister au spectacle que la comédienne Marie-Thérèse Fortin avait monté avec le pianiste de jazz Yves Léveillé sur Barbara. Une redécouverte de l’oeuvre. De fabuleux arrangements qui lui donnait une perspective nouvelle.
Quand vint la chanson Il pleut sur Nantes, j’ai pleuré… La relation avec mon paternel n’ayant pas été des plus simples…

Mais, parmi ces rapprochements, il y en avait un qui était tout de même fort étonnant : la place du piano sur la scène…
Dans mon spectacle La Belle… et les bêtes, un zoopéra, le piano était placé clavier côté cour ! Pourquoi ? Comme ça. Pour faire différent !

On dit de mes chansons qu’elles sont hors norme. Celles de Barbara ne l’étaient-elles pas à l’époque ? Ça ne l’a pas empêchée d’avoir un succès foudroyant.
Elle était jeune. Ça aide. Je ne le suis plus…
Elle a pu fréquenter un milieu pour faire croître son talent et qu’il soit reconnu. Moi, pas…

Loin de moi vouloir me comparer à elle. Ce serait présomptueux.
Quand il y a urgence d’écrire, on le fait d’abord pour soi. J’ai mis des années avant d’avoir le courage de les publier. Parce qu’intimes.
Orienter un marketing sur l’intime peut être vulgaire. C’est probablement pourquoi je suis si frileuse à la marchandisation à outrance.
Ainsi, du moment qu’on décide de publier, toucher les gens devrait pouvoir en devenir le but ultime.

Et enfin, qui n’aime pas se faire conter des histoires ?