Archives pour la catégorie Divers

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Le monde est petit!

Tokyo, printemps 1987. Nous sommes en pleine Sakura. Je suis là-bas pour des raisons professionnelles : La tragédie de Carmen, de Peter Brook, où j’ai l’occasion de reprendre le rôle de Carmen — c’était en avril 1984, au Vivian Beaumont Théâtre, Lincoln Center, New York. Nous inaugurons le Seibu Ginza Theatre.

Avant de quitter Montréal, dans une boutique de la rue Saint-Laurent on m’informe que je pourrais trouver des kimonos usagés près de la gare Shibuya. Et c’est tout… J’ignorais encore qu’il n’y a(vait) pas nom de rue… Alors, un après-midi de congé un peu sombre, je me promène dans le coin. J’apprends en même temps qu’il s’agit d’une gare de transit des plus importantes de la ville et que les traverses de piéton sont les plus achalandées. Or, il n’y avait à peu près « que » moi, à ce moment-là. C’est pour dire…

Vêtue de bleu, mon chapeau de feutre rouge calé sur le front, mes lunettes de soleil à la  « Francine Grimaldi » (c’était la mode), pour une occidentale je me croyais naïvement incognito. Information pertinente : il y a 40 ans (ou presque), la population du Canada était à l’équivalent de celle de Tokyo…
Soudain, une belle dame, japonaise bien entendu, me dépasse sur la traverse de piétons. Elle se retourne, me regarde d’un drôle d’air et continue son chemin. Elle se retourne une deuxième fois, même comportement. Comme elle se retourne une troisième fois, toujours avec cette « grimace » inquisitrice, je lui fais un beau sourire. Enfin elle me dit : « You, yesterday, Carmen! »

Imaginez, la veille!!! Quand on y pense, ça frise l’impossible. Absolument!

Toutes deux bien excitées, elle me prie de bien vouloir accepter son invitation : une soirée au restaurant avec son « vieux » mari (elle est dans la quarantaine, c’est une chose courante). 
Ils vivent dans la couronne un peu éloignée de la ville, mais viennent pourtant me chercher en taxi à l’hôtel… Échange de cadeaux (« protocole » oblige), nous nous rendons dans la tour la plus haute du fameux quartier d’affaires Shinjuku, au restaurant situé au dernier étage : le mari était propriétaire ou gérant de l’immeuble (sais plus mais celui-ci était visiblement riche!). Pour servir d’interprète, le beau-fils de ma nouvelle amie (j’ai malheureusement oublié son nom), un jeune homme dans la trentaine.

Une fois le repas terminé, nous reprenons un taxi qui nous mène dans Ginza où ces messieurs-dame ont leur bouteille de Whisky qui les attend, celle-ci identifiée par un portrait en médaillon. Un bar minuscule du joli nom de « Coquelicot ». Puis on me ramène en taxi (toujours) à mon hôtel.

Quelle histoire! Nous nous sommes revues une seule fois, toujours avec échange de cadeaux. J’ai reçu deux kimonos, dont un modifié que je peux porter par-dessus une robe ou un pantalon, un yukata (kimono d’intérieur plus léger), un obi et des sandales traditionnelles (geta).

J’ai pris le temps de fouiller dans ma boîte de photos et j’ai été très émue d’en retrouver quelques-unes avec elle et sa compagnie. Déçue, par contre, qu’elles ne soient pas identifiées…

N’est-ce pas une belle histoire? Mais oui, comme le monde est petit!

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Mon souvenir : Sylvain Lelièvre

Oui, il aurait eu 80 ans cette année, l’an passé soulignait-on fort élégamment le 20e anniversaire de son décès.

Mais de quoi je me mêle? Je n’ai été ni une amie ni eu le bonheur d’être une élève. Seulement une brève connaissance professionnelle : tout comme lui, j’étais parmi les invité(e)s surprise pour l’anniversaire de Jacques Boulanger, le 30 mai 1985 — j’ai su bien des années plus tard par sa chef recherchiste, Evelyn Mailhot, que j’étais une « invitée chouchou »! Comme l’événement se déroulait dans un tourbillon et en direct, je n’ai même pas le souvenir d’avoir eu une discussion avec Sylvain. C’est pour dire…

Je l’ai revu plus tard lors d’une émission à TVA où il était invité avec son amie Danielle Oddera. Moi, j’accompagnais simplement en coulisse un ami qui connaissait Clairette, probablement l’invitée principale. Voyez comme c’est flou! Or, Sylvain avait semblé heureux de me revoir, moi, intimidée, ne me sentant guère à ma place…

Le temps passe, la/ma vie m’a fait écrire. Un état tout à fait improbable, n’ayant jusque-là écrit que des demandes de bourses et autres communications professionnelles dans le but de faire mon métier de chanteuse lyrique.
Le chant classique nous expose à la grande poésie, et ce, en plusieurs langues. Matériel de récital avec lequel je me suis spécialisée. Ainsi, c’est spontanément à la verticale que j’écrivais, sans être pour autant de la poésie. Par contre, le sens était clair et bien organisé.

J’avais eu beau suivre un cours de poésie « érotique » (pourquoi pas!), c’est toujours Sylvain que je lorgnais. Je m’étais inscrite à l’Atelier F, où il avait été invité pour des ateliers un à un, donc en privé. Je n’avais pas d’antécédents raisonnables pour justifier ma candidature. En plus, une « chanteuse d’opéra »!? Voyons donc, c’est pas sérieux! On avait probablement encore jamais vu ça, une chanteuse classique sortir de son moule empesé (ça l’était absolument à l’époque), alors que j’avais déjà fait la preuve qu’on pouvait offrir bien autre chose que ce cliché — une nouvelle génération semble vouloir, enfin, en sortir.

J’ai écouté religieusement cette magnifique série réalisée par Élizabeth Gagnon où l’on parlait de Sylvain comme une personne fidèle en amitié, d’une personne généreuse. C’est au même moment que j’ai compris pourquoi il avait été invité chez Boubou : des amis de très longue date.

Je corrobore ces témoignages, puisque Sylvain aurait tellement pu m’ignorer : j’ai eu le culot de lui envoyer par la poste mes 10 premiers textes. Il m’a rapidement téléphonée pour me dire à quel point il se sentait honoré de cette confiance. C’est alors qu’il me fait la confidence et le compliment : « Je m’étais dit que si je me décidais un jour à prendre des leçons de chant, c’est avec toi »! ( en avait-il vraiment besoin?!) À quoi j’ai répliqué que c’est plutôt à moi qu’il fait tant honneur!

Ses commentaires : ils sont dans un bien meilleur français que ce qu’on entend en ce moment (nous étions automne 1994), et qu’ils sont mieux écrits que XX — vedette québécoise chez les Français.
Cependant, il me fait le doux reproche que cela ressemble beaucoup à un journal intime. Ce qui sous-entendait qu’il valait mieux ne pas aller dans cette direction.
(Ce qu’il faut savoir : je revenais régulièrement à la chanson, mes premières amours…)

Qu’à cela ne tienne, je devais poursuivre, j’étais dans une belle lancée. Je ne l’ai donc pas écouté… parce que, petit à petit, un projet prenait forme, se concrétisait pour aboutir dans une « mise en abyme » et devenir un « Opéra-Chansons ». Mais pour y arriver, je souhaitais sérieusement le relancer. Le destin en a décidé autrement…

Entre-temps, j’ai soumis mes textes à un compositeur de jazz connu, accompagnateur de chanteuses de renom. Il me les a retournés, gêné… C’est là que je me suis mise spontanément à écrire mes musiques, ce qui était tout autant imprévisible. Et le résultat est des plus étonnants, vu la variété de tons et de styles ainsi que de leur complexité formelle.

La raison de ce billet? C’est là que je rejoins Sylvain : une oeuvre qui n’est pas standardisée, dans un seul et unique style — ce qu’on peut trop souvent constater ailleurs…

Loin de moi de m’improviser critique musicale, mais Sylvain a produit une oeuvre dense, authentique et des plus singulières. Comme lui, j’aime les « accords fuckés ». Aucune de ses chansons ne se ressemble, sa palette créatrice était d’une grande richesse et sans bornes. À l’instar des Beatles…

Parce que non populiste sans être élitiste, il n’était pas « populaire ». Il s’est respecté dans sa volonté de ne pas se plier aux dictats de la mode, encore moins de jouer la game.

Il m’a pris 20 ans pour aboutir d’abord à un album, la trame principale du projet scène, celui-là complété par d’autres opus. À un moment donné, il faut cesser de s’en remettre à autrui. J’avais eu peur du ridicule et du jugement…

Que dirait-il aujourd’hui de ce journal intime quand, maintenant, les jeunes femmes jouent de beaucoup plus d’audace dans l’intimité de leurs textes, souvent très explicites? Dire que je m’étais même censurée…
Monique Leyrac avait déjà fait la remarque suivante : on ne chante plus de poésie, on ne fait plus que du « je-me-moi ». Ce n’est « plus que » cela de nos jours…

Ce n’était pas son cas. Il demeure l’un de nos plus grands, aux textes et musiques. Il était temps qu’on le reconnaisse.

Salut, Sylvain!

Baba the Turk, a Bearded Lady

« Chère Christine,
Est-ce que la même personne que j’ai vu en rehearsal?
Quelle présence
Quelle force
You said you don’t find yourself very funny in that scene.
Apparently the audience does not agree
Pat »

Voilà le précieux compliment (retrouvé dans mes archives) que je recevais au lendemain de la présentation de The Rake’s Progress, d’Igor Stravinsky, lors du stage que j’effectuais au Banff Centre of Fine Arts, il y a de cela quelques décennies…

Sur deux distributions, il se trouve que j’avais été choisie parce que j’avais apparemment été la seule mezzo au Canada à avoir auditionné avec l’aria!!! Franchement, même avec le peu d’expérience que j’avais, il ne me serait jamais venu à l’idée de présenter autre chose. Un air très difficile, certes, mais ceux qui me connaissent savent que les difficultés musicales ne m’ont jamais fait peur. J’avais préparé cette audition avec la coach Marie-Thérèse Paquin, qui n’en laissait pas passer.

Expérience formidable, celle-ci dirigée par le réputé metteur en scène Brian MacDonald et du chef d’orchestre Raffi Armenian. J’avais pour camarades québécois Marie-Danielle Parent (Anne Trulove), Jean-Clément Bergeron (Nick Shadow) et Monique Martin, pianiste répétitrice.

Concours OSM : Les temps ont bien changé!

De retour dans mes archives, voilà que je retrouve la lettre que j’ai reçue à l’issue de ma « Mention spéciale » au terme du Concours de l’OSM, section chant, pour l’année 1981 :

« Chère Demoiselle Lemlain,
Au nom du magasin de musique Ed. Archambault Inc., il nous fait grand plaisir de vous offrir ce bon d’achat de $50.00 ayant obtenu une mention spéciale lors du « Concours de l’O.S.M. 1981 » organisé par le Comité Féminin.
Toutes nos sincères félicitations!
Ed. Archambault Jr. »

Oui, les temps ont bien changé! Exactement 30 ans plus tard, le grand gagnant pour ce même concours, section chant, cumulait la jolie somme de 50 000 $!!!

Dans les années’80, le prix du papier venait de grimper en flèche. A fortiori les partitions. Avec ce montant-là, tout au plus symbolique, je pouvais à peine me payer une partition d’opéra…

Et qui plus est, la secrétaire n’a même pas été capable d’écrire mon nom correctement…

Oui, les temps ont bien changé, et c’est tant mieux pour la nouvelle génération.

ConcoursOSM'81

Le plus beau des compliments

« Artiste de tempérament à la voix céleste,
femme toute entière dans la tête
et dans le coeur…
Pour notre plus grand plaisir!
Merde et bravo!
Sincèrement Gilles-François »
19 janvier 1994
Le roi se meurt, Ionesco
Théâtre La Veillée (aujourd’hui « Prospero »)

Oui, probablement le plus beau des compliments jamais reçu dans ma vie fort mouvementée et tourmentée d’artiste lyrique, qui était une indécrotable idéaliste, pour ce qui est de ses ambitions, pas toujours réalisées…

J’y tenais le rôle de « Juliette », la servante, une première dans ma vie professionnelle. On m’avait donné la direction musicale du spectacle et je chantais abondamment. Du Mahler, Hugo Wolf, entre autres.

Il s’agit de Gilles-François Therrien, si aimable et talentueux créateur des costumes, lequel m’a fait l’immense plaisir de m’accompagner dans ce projet mort-né que fut « Éva Gauthier, Pionnière du chant moderne en Amérique ou… La « Javanaise » », le 30 octobre 2000.

Cette carte, je l’ai retrouvée tout récemment dans mes archives. Il y a de ces choses et souvenirs que nous avons intérêt à conserver…

Salut et Merci, Gilles-François! xxx

Gilles-FrançoisTherrien,19janvier1994,Le_roi_se_meurt Gilles-FrançoisTherrien,19janvier1994,Le_roi_se_meurt'

Berlin-Est, août 1974

Fin d’un long séjour en Allemagne pour y étudier la langue, à Kassel — d’une académie d’Ottawa, puis voyager sur le pouce avec ma nouvelle amie (qui l’est toujours), Margaret (que tous appellent Lola sauf moi!), à travers l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche.

Berlin-Est, la journée achève. Il fait gris. Nous avons visité la merveilleuse Pinacothèque mais le reste de la ville fait peur un peu… De plus, je me fais regarder de travers à cause de mes blue jeans. Quiconque me connaît ne m’aura probablement à ce jour jamais vue en porter…

Il fait triste aussi. Nous sommes près de la gare pour le retour à l’auberge de jeunesse dans Charlottenburg. Voilà qu’une vieille dame nous accoste pour nous dire qu’elle doit dépenser ses Marks avant de retourner à l’Ouest — une somme minimale/maximale devait y être dépensée par jour. Elle visitait sa soeur, elle, restée à l’Est… Je n’ai plus souvenir de ce qu’elle nous racontait, mais il y avait beaucoup de tristesse due à cette séparation. Mon souvenir bien lointain me croit rappeler qu’elle nous a offert une boîte de chocolats, que nous aurions mangés ensemble, du moins en partie.

Une vieille dame charmante, qui s’exprimait assez bien pour que nous la comprenions (cela faisait tout de même près de trois mois que nous étions dans les parages!). Je ne me rappelais pas avoir échangé nos adresses…
Je fais beaucoup de ménage dans mes archives en ce moment. Ayant conservé absolument tout mon courrier, voilà que je tombe sur deux cartes, dont une pour Noël, que Frau Gertrude Hennig m’a envoyée (1976!).

Quelle émotion! Cette vieille petite dame qui m’écrivait au retour d’une visite chez sa soeur pour Noël, laquelle venait d’avoir 88 ans! Je déchiffre tant bien que mal cette belle écriture propre aux Allemands. J’en ressens encore toute la tristesse qui s’en dégage, et du plaisir que cette dame prend à m’écrire, me priant de lui donner de mes nouvelles. Honnêtement, je ne peux pas croire que je ne lui aurais pas répondu… Je suis du genre fidèle. Mais avec le temps et l’éloignement…
R.I.P., beau et charmant souvenir!

Gertrude Hennig-Berlin,1974

Histoire de chevelure…

J’avais vingt ans… ou presque. J’avais une très belle crinière, mais à cette époque, il fallait absolument que les cheveux soient lisses, droits comme une épingle… Comme je n’arrivais pas à les dompter, encore moins les coiffer — sinon j’avais l’air deux fois mon âge pour satisfaire la galerie, je n’en pouvais plus des rouleaux jumbo, des produits chimiques et surtout de passer mes samedis devant le miroir à blasphémer! Comme j’étais complexée!!!

Ainsi, en secret, en visite chez mes parents à Beauport, et, par la même occasion, y inviter mes nouvelles amies de Montréal, j’ai profité du Carnaval de Québec de 1975 pour faire le grand saut : la coupe afro! (plus affreuse qu’autre chose au premier abord…) Quelle surprise!!
À partir de ce moment historique (absolument!), ce fut désormais le laver-porter. Basta! Ter-mi-né! Pour toujours!

Quelle fut la réaction de ma nouvelle professeure de chant? « C’est pas une tête de chanteuse classique, ça! » À quoi je lui répondis : « C’est bien en quoi! »
Je n’en avais rien à cirer d’avoir la « tête de l’emploi », moi. Je voulais être bien avec moi-même, et avec ces cheveux-LÀ. Je ne voulais plus avoir à tester les angles pour cacher mon (je croyais) vilain nez! Il se camouflait tout seul maintenant. Et, Dieu soit loué, j’ai résisté à la chirurgie, n’en ayant pas les moyens. Je me suis épargnée le résultat, parfois discutable…

Ce n’est donc pas pour rien que, quelques années plus tard — et pas que pour ma tête, on me faisait peut-être le plus beau compliment de ma « carrière » : « Vous rajeunissez l’image qu’on s’était toujours faite des chanteuses d’opéra. » — Jeanne Quintal (comédienne, professeure au Conservatoire d’art dramatique de Québec), Québec en chansons 1981.

Pour la petite histoire, Guy-Jean Beaulieu était mon grand ami, et ce, depuis l’École de musique de l’Université Laval. Il avait de nombreux talents (hélas, je n’ai plus de contact avec lui depuis de nombreuses années et j’ignore ce qu’il est devenu). En plus de faire de la photo et me prendre pour modèle, il me confectionnait des vêtements tout à fait originaux. Disons que j’avais du style, beaucoup grâce à lui…

Cela aura pris de nombreuses années pour me faire une tête au point qu’elle devienne, sans calcul aucun, je le jure!, une « marque de commerce ».
Et plus mes cheveux était libres, plus j’avais l’air jeune…

Je n’avais pas l’intention de faire l’étalage exhaustif de l’évolution de ma chevelure. Même si cette histoire est loin d’être terminée, je conclurai ici. Parce que, malgré qu’elle soit désormais blanche et toujours bouclée, ce à quoi je tiens mordicus — témoins les photos concernant mon album de chansons et le spectacle qui s’ensuivit, je demeure aux prises avec « C’est pas une tête de… », et ce, dans d’autres sphères professionnelles (avec le prix à payer!)…

Comme quoi le conformisme, en ce qui a trait à l’image des femmes, à plus forte raison du moment qu’elles prennent de l’âge, demeure préoccupant — rares sont les exceptions. D’autant plus quand je vois de jolies jeunes femmes se pliant, cédant au dictat voulant qu’un cheveu, même 40 ans plus tard (!), devrait encore et toujours être lisse, dompté, jusqu’à arborer la perruque dans certains cas…
Misère!
Vive les (vielles) insoumises!

PS : Depuis cette publication, je tombe sur d’autres copies de la première série où il est écrit à l’endos : « Fin’70/Début’80… Point de repère : la bague achetée avec G.S. en Arizona, à l’été 1978 »!
Avec le temps, j’avais fini par oublier quelque peu cette vieille histoire d’amour…
Ce qui est conté plus haut est toujours aussi vrai, faut croire que mes cheveux auraient poussé très vite en trois ans…
Non seulement cette histoire est vraie, mais aujourd’hui (18 mai), en poursuivant la numérisation de mes photos professionnelles, je tombe sur un post-it où je paraphrase la chanson d’Aznavour (qui ouvre cet article) avec ceci (non daté mais ça fait un bail!) :
Hier encore, j’avais vingt ans / Et je passais mon temps / À m’défriser les ch’veux / 
Et tant, tant blasphémé / Jusqu’à me damner / Pour l’éternité / Pas b’soin d’vous les citer
– sur l’air de « Ma jeunesse »
Comme quoi…

Photo Michel Parent

Prière à ma mère*

La personne la PLUS importante dans la vie d’un être humain est sans contredit sa propre mère.
Je vous fais grâce de la genèse du texte qui suit. Cette mélopée se retrouve au coeur même de la création de mon « Opéra-Chansons ».
Comme elle ne figure pas sur l’album qui fait office de trame principale, seulement qui aura assisté à cet opéra de chambre moderne saura témoigner de la charge émotive qui en découle.

Un jour, peut-être, la musique et l’image suivront…

PRIÈRE À MA MÈRE

Chanter, c’est prier deux fois.
T’as donc rien compris, maman ? (Refrain)

Aimer, est un don…
Gratuit !
Il est faux de prétendre
Qu’on ne peut donner
Ce qu’on n’a pas reçu.
Il se peut de le cultiver.

Personne n’a demandé à vivre.
À moins de vouloir en finir,
Faut faire avec.
C’est MAINTENANT
Que je veux être heureuse.
Je me fous
De gagner mon ciel !

Refrain

L’Apocalypse,
C’est pas pour demain.
L’amour,
Ça se mérite…
Par l’amour.
Non le sacrifice.

Un parent, un enfant,
Doit être chéri,

Non pas trahi.
Pourquoi t’être réservée
Pour des étrangers ?

Refrain

Chanter
Est le propre de l’homme,
Toute culture confondue ;
Pour célébrer la terre,
Les étoiles, la mer,
L’AMOUR.

Chanter, c’est prier deux fois.
Je suis SAUVÉE, MAMAN !

© CHRISTINE LEMELIN_02-07-1994/12-10-1995/Révisé : 22-09-2010/16-01-13/03-12-13

Bernadette Morency, décédée à Québec, le 17 janvier 2015
Va ! Dors en paix…
Dors enfin, maman !

Mon souvenir de Clément Richard

Je viens d’apprendre le décès de Clément Richard, survenu hier, le 3 mars 2022. Ça m’émeut parce que j’ai fait sa connaissance au début des années’80, comme il était député du comté de Montmorency, mon comté d’origine : née à l’Île d’Orléans et avoir vécu mon adolescence à Beauport, où il résidait.
C’est par l’intermédiaire de mon amie, Claire Binet, qui travaillait dans son bureau de comté et qui m’a invitée (plutôt m’y a traînée!) à une soirée plus ou moins partisane à laquelle il devait assister. Je n’aurais jamais eu l’audace de faire une quelconque démarche à son endroit, très frileuse pour ce genre de choses.
Même si j’habitais désormais à Montréal, il a souhaité suivre mon évolution artistique. À plus forte raison quand il devint ministre des Affaires culturelles.

Une occasion en or s’est présentée en 1984 pour que son intérêt se concrétise : le rôle de Carmen dans La tragédie de Carmen de Peter Brook à New York, au Vivian Beaumont Theater (Lincoln Center). Un événement plus que bouleversant dans ma jeune carrière…
Il fit en sorte que l’on parle de moi : invitée à l’émission Contrechamp, à la télé de Radio-Canada, animée par Anne-Marie Dussault. Cette émission était alors diffusée uniquement dans la région de Québec.
En avril, il profita de son voyage à NY, où l’Orchestre Symphonique de Montréal (OSM) se produisait au Carheghie Hall, pour assister à une représentation de « mon spectacle » en compagnie de Bernard Lamarre, alors président du Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBA) et de Lavalin. À la suite de cela, il m’invitait à la réception donnée pour l’OSM au Waldorf Astoria!
« Tu es lancée, maintenant! », me dit-il. C’était encore bien mal connaître comment ça se passe dans ce métier-là… Moi, je savais à quel point j’avais encore des croûtes à manger!

Quelques mois plus tard, je fus invitée à l’avant-première de l’exposition de la collection de Jacqueline Picasso au MBA. S’ensuivit une réception au restaurant Le Prévost, très populaire à cette époque. S’y trouvait le gratin artistique du genre André Gagnon, Jean-Pierre Ferland, Claude Dubois. Assise à la table d’honneur, mon voisin de droite était nul autre que Martin Gray (Au nom de tous les miens).
Parce qu’on voulait me faire profiter de l’occasion, Louise, l’épouse de Clément, m’a demandé de chanter. J’ai refusé, terrorisée à l’idée de performer Carmen (l’Habanera, il va sans dire!), car telle était la commande, devant un public qui, selon moi, n’en aurait eu cure, une pure inconnue et du classique en plus! — c’était pas très chaud à l’époque. D’autant plus que, du moment où je bois du vin et que je me retrouve dans un endroit bruyant, alors très enfumé, j’en perdais automatiquement la voix. J’aurais certainement perdu la face de n’avoir pu chanter comme il se doit. Avoir été opportuniste, j’aurais fait semblant, comme si de rien n’était, faisant de l’esbroufe avec la chanson et mon physique de l’époque. Personne n’a insisté… Tant pis?

Il m’a même déjà « reprochée » ne jamais aller le voir à son bureau, comme d’autres chanteurs le faisaient couramment! Je ne connaissais rien du lobbying et, comme je l’ai mentionné plus haut, je ne suis pas très chaude pour ces affaires-là ni très habile, je dois admettre. À part faire le maximum pour obtenir des contrats, mes projets solos étaient encore trop flous ou trop éloignés pour m’aventurer dans ce genre de contacts en dehors des demandes de bourses habituelles.

Ma dernière rencontre avec Clément Richard — je n’étais pas assez intime pour l’appeler par son prénom, bien qu’il insista, fut quelques jours avant mon départ pour Tokyo (1987) où je me rendais pour reprendre mon rôle, toujours dans La tragédie de Carmen. Il m’invita, seule, toujours au Le Prévost. S’y trouvaient quelques personnalités du monde du théâtre qui savaient qui j’étais. Une rumeur vint jusqu’à moi quelques jours plus tard… J’aurais été parfaitement incapable d’assumer, d’autant plus que « je ne suis pas voleuse d’hommes » (Vengeance ou Revanche? #3).
Ce fantasme à l’idée de la Carmen volage et mangeuse d’hommes qui m’a été accolé bien malgré moi — j’avais le physique de l’emploi, certes, mais pas la nature -, il a bien fallu que j’en sorte. C’est mon Code secret, mon « Opéra-Chansons » qui en a été le résultat, il y a une dizaine d’années.
Il n’a jamais su. J’y ai pensé… Aurais-je dû?
Tant pis.

Salut!
R.I.P.

Souvenirs de Jean-Paul Jeannotte

 

Nous apprenions le décès du ténor Jean-Paul Jeannotte, survenu le 9 septembre dernier. 

Il a été, certes, professeur titulaire à l’École de musique de l’Université Laval. Je fus la toute première élève à être choisie dans sa classe au niveau collégial. Ce qui m’a valu les commentaires suivants : « Tu dois être bien bonne parce qu’il ne prend que la crème, et seulement au baccalauréat! » De là à m’enfler la tête, loin de là : humblement, j’ai eu plein de croûtes à manger à partir de ce jour…

Ce qu’il faut savoir : cette année-là, il y avait eu de nombreuses inscriptions en chant, l’administration l’aura probablement obligé à prendre des élèves de niveau collégial. Comme j’avais été la seule à auditionner avec des airs classiques, notamment Vergin tutto amor, de F. Durante, ayant précédemment étudié en privé, cela faisait sans doute de moi une élève « idéale ». Oh, ma mère en était fière parce qu’elle savait qui il était (il avait gagné des prix).

Trois ans plus tard, je quittais sa classe pour suivre un professeur à Montréal, celle-là même qu’il avait invitée pour le seconder au niveau de la formation « strictement » de la voix, lui, plutôt spécialisé en interprétation. Doté d’une très grande culture, il avait une diction impeccable, et je lui dois certainement la rigueur qui fut mienne à ce niveau et qui me valut de nombreux compliments.

Non rancunier, plus tard devenu directeur artistique de l’Opéra de Montréal qu’il avait cofondé, il m’a donné la chance d’y faire mes débuts dans l’opéra « Manon » de Massenet (Rosette), puis, le Page dans « Salomé » de Richard Strauß.

Cependant, vous saurez me pardonner, je ne peux pas me priver de souligner cette amusante anecdote : il fut l’objet d’un numéro des Cyniques (Jean-Paul Lanote) lors du Bye Bye 1971!

J’ignore ce qui put lui valoir cette moquerie, Marcel Saint-Germain est tout simplement hilarant, remarquable de drôlerie (et de justesse, parce que monsieur était, disons, quelque peu précieux, n’en déplaise…). À moins que ce ne soit parce qu’il était alors président de l’Union des artistes. Jusqu’à quel point le grand public du Bye Bye le connaissait? Pas moi – j’étais bien jeune et peu connaisseure de ce milieu sélect, sinon qu’il était mon professeur depuis assez peu.

Alors, imaginez comment j’ai pu me sentir au retour des Fêtes lors de mon premier cours! J’avais du mal à me retenir de rire parce que la parodie avait été franchement impeccable.

J’ai pu retracer l’émission. À vous de juger :
0:45:24 à 0:48:09.

Or, qui ne vaut pas une risée…
RIP, Monsieur Jeannotte!