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Le monde est petit!

Tokyo, printemps 1987. Nous sommes en pleine Sakura. Je suis là-bas pour des raisons professionnelles : La tragédie de Carmen, de Peter Brook, où j’ai l’occasion de reprendre le rôle de Carmen — c’était en avril 1984, au Vivian Beaumont Théâtre, Lincoln Center, New York. Nous inaugurons le Seibu Ginza Theatre.

Avant de quitter Montréal, dans une boutique de la rue Saint-Laurent on m’informe que je pourrais trouver des kimonos usagés près de la gare Shibuya. Et c’est tout… J’ignorais encore qu’il n’y a(vait) pas nom de rue… Alors, un après-midi de congé un peu sombre, je me promène dans le coin. J’apprends en même temps qu’il s’agit d’une gare de transit des plus importantes de la ville et que les traverses de piéton sont les plus achalandées. Or, il n’y avait à peu près « que » moi, à ce moment-là. C’est pour dire…

Vêtue de bleu, mon chapeau de feutre rouge calé sur le front, mes lunettes de soleil à la  « Francine Grimaldi » (c’était la mode), pour une occidentale je me croyais naïvement incognito. Information pertinente : il y a 40 ans (ou presque), la population du Canada était à l’équivalent de celle de Tokyo…
Soudain, une belle dame, japonaise bien entendu, me dépasse sur la traverse de piétons. Elle se retourne, me regarde d’un drôle d’air et continue son chemin. Elle se retourne une deuxième fois, même comportement. Comme elle se retourne une troisième fois, toujours avec cette « grimace » inquisitrice, je lui fais un beau sourire. Enfin elle me dit : « You, yesterday, Carmen! »

Imaginez, la veille!!! Quand on y pense, ça frise l’impossible. Absolument!

Toutes deux bien excitées, elle me prie de bien vouloir accepter son invitation : une soirée au restaurant avec son « vieux » mari (elle est dans la quarantaine, c’est une chose courante). 
Ils vivent dans la couronne un peu éloignée de la ville, mais viennent pourtant me chercher en taxi à l’hôtel… Échange de cadeaux (« protocole » oblige), nous nous rendons dans la tour la plus haute du fameux quartier d’affaires Shinjuku, au restaurant situé au dernier étage : le mari était propriétaire ou gérant de l’immeuble (sais plus mais celui-ci était visiblement riche!). Pour servir d’interprète, le beau-fils de ma nouvelle amie (j’ai malheureusement oublié son nom), un jeune homme dans la trentaine.

Une fois le repas terminé, nous reprenons un taxi qui nous mène dans Ginza où ces messieurs-dame ont leur bouteille de Whisky qui les attend, celle-ci identifiée par un portrait en médaillon. Un bar minuscule du joli nom de « Coquelicot ». Puis on me ramène en taxi (toujours) à mon hôtel.

Quelle histoire! Nous nous sommes revues une seule fois, toujours avec échange de cadeaux. J’ai reçu deux kimonos, dont un modifié que je peux porter par-dessus une robe ou un pantalon, un yukata (kimono d’intérieur plus léger), un obi et des sandales traditionnelles (geta).

J’ai pris le temps de fouiller dans ma boîte de photos et j’ai été très émue d’en retrouver quelques-unes avec elle et sa compagnie. Déçue, par contre, qu’elles ne soient pas identifiées…

N’est-ce pas une belle histoire? Mais oui, comme le monde est petit!

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Mon souvenir de Clément Richard

Je viens d’apprendre le décès de Clément Richard, survenu hier, le 3 mars 2022. Ça m’émeut parce que j’ai fait sa connaissance au début des années’80, comme il était député du comté de Montmorency, mon comté d’origine : née à l’Île d’Orléans et avoir vécu mon adolescence à Beauport, où il résidait.
C’est par l’intermédiaire de mon amie, Claire Binet, qui travaillait dans son bureau de comté et qui m’a invitée (plutôt m’y a traînée!) à une soirée plus ou moins partisane à laquelle il devait assister. Je n’aurais jamais eu l’audace de faire une quelconque démarche à son endroit, très frileuse pour ce genre de choses.
Même si j’habitais désormais à Montréal, il a souhaité suivre mon évolution artistique. À plus forte raison quand il devint ministre des Affaires culturelles.

Une occasion en or s’est présentée en 1984 pour que son intérêt se concrétise : le rôle de Carmen dans La tragédie de Carmen de Peter Brook à New York, au Vivian Beaumont Theater (Lincoln Center). Un événement plus que bouleversant dans ma jeune carrière…
Il fit en sorte que l’on parle de moi : invitée à l’émission Contrechamp, à la télé de Radio-Canada, animée par Anne-Marie Dussault. Cette émission était alors diffusée uniquement dans la région de Québec.
En avril, il profita de son voyage à NY, où l’Orchestre Symphonique de Montréal (OSM) se produisait au Carheghie Hall, pour assister à une représentation de « mon spectacle » en compagnie de Bernard Lamarre, alors président du Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBA) et de Lavalin. À la suite de cela, il m’invitait à la réception donnée pour l’OSM au Waldorf Astoria!
« Tu es lancée, maintenant! », me dit-il. C’était encore bien mal connaître comment ça se passe dans ce métier-là… Moi, je savais à quel point j’avais encore des croûtes à manger!

Quelques mois plus tard, je fus invitée à l’avant-première de l’exposition de la collection de Jacqueline Picasso au MBA. S’ensuivit une réception au restaurant Le Prévost, très populaire à cette époque. S’y trouvait le gratin artistique du genre André Gagnon, Jean-Pierre Ferland, Claude Dubois. Assise à la table d’honneur, mon voisin de droite était nul autre que Martin Gray (Au nom de tous les miens).
Parce qu’on voulait me faire profiter de l’occasion, Louise, l’épouse de Clément, m’a demandé de chanter. J’ai refusé, terrorisée à l’idée de performer Carmen (l’Habanera, il va sans dire!), car telle était la commande, devant un public qui, selon moi, n’en aurait eu cure, une pure inconnue et du classique en plus! — c’était pas très chaud à l’époque. D’autant plus que, du moment où je bois du vin et que je me retrouve dans un endroit bruyant, alors très enfumé, j’en perdais automatiquement la voix. J’aurais certainement perdu la face de n’avoir pu chanter comme il se doit. Avoir été opportuniste, j’aurais fait semblant, comme si de rien n’était, faisant de l’esbroufe avec la chanson et mon physique de l’époque. Personne n’a insisté… Tant pis?

Il m’a même déjà « reprochée » ne jamais aller le voir à son bureau, comme d’autres chanteurs le faisaient couramment! Je ne connaissais rien du lobbying et, comme je l’ai mentionné plus haut, je ne suis pas très chaude pour ces affaires-là ni très habile, je dois admettre. À part faire le maximum pour obtenir des contrats, mes projets solos étaient encore trop flous ou trop éloignés pour m’aventurer dans ce genre de contacts en dehors des demandes de bourses habituelles.

Ma dernière rencontre avec Clément Richard — je n’étais pas assez intime pour l’appeler par son prénom, bien qu’il insista, fut quelques jours avant mon départ pour Tokyo (1987) où je me rendais pour reprendre mon rôle, toujours dans La tragédie de Carmen. Il m’invita, seule, toujours au Le Prévost. S’y trouvaient quelques personnalités du monde du théâtre qui savaient qui j’étais. Une rumeur vint jusqu’à moi quelques jours plus tard… J’aurais été parfaitement incapable d’assumer, d’autant plus que « je ne suis pas voleuse d’hommes » (Vengeance ou Revanche? #3).
Ce fantasme à l’idée de la Carmen volage et mangeuse d’hommes qui m’a été accolé bien malgré moi — j’avais le physique de l’emploi, certes, mais pas la nature -, il a bien fallu que j’en sorte. C’est mon Code secret, mon « Opéra-Chansons » qui en a été le résultat, il y a une dizaine d’années.
Il n’a jamais su. J’y ai pensé… Aurais-je dû?
Tant pis.

Salut!
R.I.P.

Et l’ambition?

La nouvelle ne surprend personne : Berbard Uzan (ex-directeur général et artistique de l’Opéra de Montréal) ciblé par une enquête pour harcèlement sexuel.

J’ai connu Diana Soviero au moment où elle a interprété sa superbe Traviata à l’Opéra de Montréal. J’étais dans les chœurs. Je me cherchais un professeur hors Montréal et elle m’a dirigée chez celle qui l’a formée, Marinka Gurewich, à New York.

Diana était alors mariée à un fort beau jeune homme. Quelques années plus tard, alors que Diana jouait Manon à l’OdeM et où j’y faisais mes débuts dans le personnage de Rosette, une « cocotte », elle était en instance de divorce pour épouser Bernard Uzan.

Madame Gurewich me confia qu’elle ne comprenait pas cette nouvelle union, avec un étonnement qui en disait long. Une réputation était en train de germer sur cet individu que je n’ai croisé qu’une seule fois alors que j’allais déposer un dossier à l’Atelier (de l’OdeM). Il me regarda avec tant de concupiscence que j’en ai eu la nausée… 

Pauvre Diana! C’est à ELLE que je pense… quel jeu a-t-elle donc accepté de jouer!? En est-elle sortie intacte, indemne?!

Ambition? Quand tu nous tiens…

https://www.ludwig-van.com/montreal/2018/07/27/nouvelle-bernard-uzan-cible-par-enquete-washington-post/

 

Jouer « Carmen » alors ?!?

À la lumière de toutes ces dénonciations, doit-on, aujourd’hui, s’offusquer d’une telle photo ?
Je venais de décrocher le fameux rôle de Carmen, dans la désormais célèbre production de Peter Brook La tragédie de Carmen à New York (1984). Ce qui causa tout un émoi. J’ai donc été approchée par le défunt magazine Québec Rock et photo fut prise.

Comme ce rôle tant convoité est souvent considéré, à tort, sulfureux et lascif, il n’est pas rare que des gestes suggestifs soient demandés par les metteurs en scène; les cigarières d’autrefois roulaient apparemment le tabac directement sur l’intérieur de la cuisse. Cela — tout comme la photo — est bien prude si l’on compare avec certaines mises en scène de théâtre ou chorégraphies modernes.

Or, il peut arriver qu’il y ait confusion dans la tête de certains entre le fantasme qu’ils se font du personnage et la femme qui l’incarne.

Et il arrive… De quoi écoeurer à jamais d’un rôle pourtant « sur mesure ».

Thème au coeur de L’« Opéra-Chansons » WXYZ… Code secret. L’allusion n’est pas évidente dans sa trame principale, l’album WXYZ… Code secret, un « Opéra-Chansons », mais littéralement exprimée dans les morceaux non-édités qui complètent l’oeuvre.

Seuls les privilégiés présents au spectacle ont pu décoder.

Un jour, peut-être…

Souvenirs évanescents…

Parce que j’avais l’intention de me procurer un billet pour l’opéra Elektra de Richard Strauß, bientôt à l’Opéra de Montréal, je racontais à « ma » nouvelle organiste de paroisse, Karine Bétournay, qu’à l’époque où j’allais régulièrement prendre des cours de chant à New York, je m’étais procurée un billet debout à 7$ au MET pour un opéra de Richard Strauß dont je n’arrivais pas à trouver le titre… — Je lui racontais qu’une fois sur place, quelqu’un m’avait prise par la main pour m’emmener avec lui, 3e rangée-centre ! J’avais en « pleine gueule » Kiri te Kanawa et Bernt Weikl. Quelle délectation !

De retour à la maison, je cherche dans internet : il s’agissait d’Arabella — j’y avais vu précédemment Der Rosenkavalier avec les mêmes protagonistes, en plus de la très regrettée et divine Tatiana Troyanos, distribution de rêve !

Tout en parcourant les titres, j’y vois Salome
Mais, j’ai fait Le Page, dans cette oeuvre, à l’Opéra de Montréal, en 1985 !!! J’étais en train d’oublier… 30 ans…
Une assez bonne distribution (la soprano, finissant son strip-tease dans un collant-nu…). Le ténor n’avait même pas été foutu d’arriver à la première répétition musicale avec sa partition sue ! Imaginez la colère et la fureur du chef, Franz Paul Decker
Une scénographie minimaliste du célèbre Miloš Forman et un vieux metteur en scène plutôt à oublier, celui-là.
J’étais la seule « locale »…
J’ai adoré ce rôle, bien que petit — parce que la musique, faut dire… J’étais encore relativement débutante.
Je pourrais affirmer ici que c’est le costumier qui m’a aidée à définir mon personnage — il m’aimait d’ailleurs beaucoup (j’ai malheureusement oublié son nom* et l’OdeM ne publie pas le contenu de ses archives aussi loin dans sa petite histoire…) : il m’a demandé pourquoi je me tenais ainsi recroquevillée, je lui ai répondu que c’est le metteur en scène qui m’avait suggéré cette attitude, à cause de la peur. Aussi, il m’a avoué honnêtement que c’était très vilain à voir et m’a demandé de me tenir droite et que ça aurait un bien meilleur impact…

Comme de quoi !

Ce ne sera pas la dernière fois qu’un costumier-scénographe-accessoiriste aura une meilleure vision du spectacle que le metteur en scène, que cette fois-là j’avais engagé…
Mais ça, c’est une autre histoire, moins évanescente, figurez-vous…

*Il s’agit de Claude Girard (17 janvier 2017)

Photo Michel Parent

Marchands d’illusions…

Des événements ponctuels, comme le décès de personnes significatives, font remonter à la surface bien des illusions entretenues par des mensonges et des promesses non tenues, cela n’ayant été que pure manipulation.

Comme se faire dire, lors de l’audition de ta vie (La Tragédie de Carmen à New York), par un ex-directeur de l’Opéra de Paris, Bernard Lefort, pour ne pas le nommer, recruté par Peter Brook pour entreprendre des auditions pan-américaines, dont le Canada (il m’avait déjà sélectionnée à Montréal), en te faisant miroiter la promesse de tournées pan-américaine et mondiale : « Mademoiselle, dans la vie, on chante ou on ne chante pas ! »…

Parce que toi, parmi d’autres engagements professionnels à annuler, tu dois choisir sur-le-champ, oui, sur-le-champ !, entre chanter Carmen, à New York, la célèbre version de Peter Brook en plus !, et enseigner (somme toute temporairement) au Cégep de Drummondville… Torture mentale !
L’appel des « sirènes » est trop fort !

À partir de là, tout le monde est parti pour la gloire à ta place (re : Le Trophée). On te croit maintenant lancée ! Seule toi, sais à quel point tu as encore des croûtes à manger…

Mais tu ne réalises pas encore que, à peine sortie de l’université, à un moment bien précis, tu perdais déjà le contrôle de ta vie, par « innocence », par (abus de) confiance…
Ce n’était que le début d’une série de promesses, d’un « merveilleux désastre » !
« Paroles, paroles, paroles… », comme dit si bien la chanson !

Et toi, avec forces maladresses, tu ré-agis tant bien que mal… (re : Elle s’appelle « Personne »).

La rage, la colère, la déception, la peine, la désillusion, et quoi encore, ont eu l’heur de pouvoir se déposer par l’écriture (re : Hymn’Mortels). Ça aura donné « l’oeuvre de ta vie » : l’album WXYZ… Code secret, un « Opéra-Chansons » et le spectacle qui a suivi, L’« Opéra-Chansons » WXYZ… Code secret.

Que de rêves…
Que d’illusions…

Écrire. Oui, écrire parce qu’urgence il y avait.
Sans calcul, sans même avoir été un objectif, la catharsis a-t-elle vraiment eu lieu ?

"La Tragédie de Carmen" de Peter Brook, avril'84

« La Tragédie de Carmen » de Peter Brook, avril’84

R.I.P. Gaston Germain

C’est avec une immense tristesse que j’apprenais ce matin le décès de Gaston Germain.
Parce qu’il n’était muni d’absolument aucun préjugé à mon endroit, il a daigné m’accorder une Maîtrise en Interprétation-chant, à l’Université de Montréal, et ce, bien malgré la volonté du professeur que j’avais jusqu’alors…

C’est après mes années new-yorkaises que je suis allée vers son enseignement. C’est ainsi que j’ai appris à connaître la grandeur d’âme de cet homme, à travers des souffrances communes partagées qui nous ont faits un peu complices…

Aucunement jaloux ni possessif, c’est par son intermédiaire que j’ai pu aller prendre quelques leçons à Londres, chez la grande Vera Roszá, grâce à une bourse de perfectionnement, la dernière, mais la plus pertinente que j’aurai obtenue. Ce qui a été des plus déterminants pour la suite des choses concernant la nature de ma voix et ce que j’en ferais plus tard.

Comment peut-on oublier cette magnifique voix grave et sonore ! Et que dire de son rire quand le vecchio maledetto téléphonait pour souhaiter bonne fête à Madame Le-me-lin…

N’eût été sa bienveillante clairvoyance et son encouragement indéfectible, et surtout son entêtement à me faire croire, moi, que j’avais, oui, une belle voix, qui sait si j’aurais réussi à persévérer dans cette voie difficile et olympienne du chant classique, mais particulièrement son soutien sans équivoque devant mes élans de créativité où j’ai pu enfin reconnaître la vraie nature de cette voix et la manière originale dont j’ai pu m’y prendre pour la déployer à son meilleur.

Je lui dois une infinie reconnaissance. C’est bien malgré moi que je n’ai pu le revoir récemment mais je sais qu’il n’en doutait point.

Andrée, son amour de toujours, sait déjà tout ça. À cet amour, mes plus sincères condoléances et mon amitié loyale.

Salut, Gaston !

Mon souvenir de Martin Gray

Il y a de ces événements mondains qui nous font passer à côté de l’essentiel ou de personnalités de coeur.
Celui-ci en est…
C’était aux lendemains de cet événement newyorkais où j’avais fait parler de moi pour avoir fait « LA » Carmen de Peter Brook. Les circonstances ont fait que je fus invitée et à la présentation privée de l’exposition de la collection de Jacqueline Picasso au MBA et à la réception qui suivit, au restaurant Le Prévost, qui a fermé ses portes depuis.
Il y avait là un certain gratin artistique, dont Claude Dubois, Jean-Pierre Ferland, André Gagnon.

J’étais seule et on m’a fait l’honneur d’être assise à la table principale où siégeaient le président du MBA de l’époque, Bernard Lamarre, le ministre des Affaires culturelles Clément Richard, en face de moi Serge Losique, et à ma gauche, au coude-à-coude, nul autre que Martin Gray !
Je savais qui il était, j’avais lu ses deux premiers livres et en avait été tellement touchée. Je le lui ai confié.

Mais, ces événements mondains sont tellement superficiels qu’ils ne nous donnent guère l’opportunité d’avoir un entretien quelque peu sensé.
Déjà qu’il y avait toute cette distraction qui fait qu’on a besoin de se montrer, de se faire voir, et de l’autre côté toute l’intimidation qu’elle procure face à cette clientèle qui pourrait éventuellement faire la différence dans une carrière.

On m’a, certes, demandé de faire « le singe », à savoir de m’exécuter dans la célèbre Habanera. Croyez-le ou non, j’ai refusé. J’étais pétrifiée, ne voyant pas pourquoi, moi, je devrais « monter sur la table » et m’exécuter, en vulgaire opportuniste. J’en étais parfaitement incapable.
Je demeure persuadée que n’importe qui d’autre aurait sauté sur l’occasion…

Je ne suis pas sûre que ça m’aurait rapprochée de l’être qui, dans mon jugement personnel, était le plus au-dessus de tout ce bruit.
Ce que je regrette de cette soirée est moins l’occasion professionnelle ratée que la relation que j’aurais pu entretenir, même brève, avec cet homme d’exception et qui aurait pu, qui sait, « m’aider » à avoir une vie intérieure plus harmonieuse…

C’est ce que m’a fait revivre, cette entrevue, chez Catherine Perrin…
http://ici.radio-canada.ca/emissions/medium_large/2013-2014/archives.asp?date=2014%2F05%2F27&indTime=91&idmedia=7092205

L’ami des artistes? ça me rappelle…

Je n’ai pas connu Paul Desmarais ni sa femme Jacqueline. Par contre, ça me fait rappeler des situations inconfortables entre, ce qu’on appelle mécénat, argent-politique-art…

Pour commencer, mon père aurait tant voulu qu’un ancien organisateur politique, dont l’épouse était ou avait été sa cliente (mon père vendait du Chevrolet-Oldsmobile), me supporte monétairement. Cet homme avait apparemment une réputation d’aider. Je sais qu’il l’a fait avec une de mes collègues par la suite.
Mais les choses ne se présentaient pas à mon goût et j’étais fort mal à l’aise avec cette situation dans laquelle je me sentais une obligation pour laquelle je ne savais comment assurer, rien n’étant garanti dans le milieu de la musique. Ça a mal tourné…
Puis, il y a eu Clément Richard, alors ministre des Affaires culturelles de l’époque – il était député de la région d’où je venais, il avait même fait le voyage à New York, en compagnie de Bernard Lamarre (ex de Lavalin et ex du MBA), pour m’entendre chanter Carmen dans La Tragédie de Carmen de Peter Brook. Il m’avait déjà dit: « Pourquoi tu ne viens pas me voir à mon bureau, comme XX ?… ». En fait, je ne sais vraiment pas ce que j’aurais pu y aller faire… À tout le moins, entre-temps, j’ai eu droit à quelques dollars discrétionnaires pour aller faire mes auditions.
Ensuite, il y a eu Lise Bacon, alors ministre de la Culture, que j’avais rencontrée à l’issue du concert gala où je chantais pour l’entrée de la ville de Québec au sein du Patrimoine mondial de l’Unesco. Elle m’avait dit: « Venez donc me voir à mon bureau.. »
?!?!?
Là encore, qu’est-ce que j’aurais bien pu y faire.

J’avoue ma candeur et mon absence de sens des affaires ou d’opportunisme mais j’ai toujours l’impression que j’y perdrais mon âme, que j’aurais des dettes que je ne pourrais rembourser. Je suis très, mais très mal à l’aise avec ça.

Et enfin, pilant sur mon orgueil, à l’automne 2000, je rencontre mon député de l’époque et ministre de la Solidarité, André Boisclair… La cassette!!! Sans me regarder, il me défile son discours pendant de longues minutes à la vitesse de l’éclair, comme il a toujours su faire!
« J’ai » (« mon » obnl) reçu 600$. Mais je suis sortie de là avec une sorte de nausée!

J’aimerais vraiment, un jour, avoir accès à de l’aide, mais que je saurais inconditionnelle. Le retour d’ascenseur serait ainsi plus facile…
Le temps approche à grand pas pour ce besoin d’aide…

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13 octobre

Voici un article paru hier dans Le Devoir qui vient appuyer mes doutes:
http://m.ledevoir.com/politique/quebec/389850/paul-desmarais-un-bilan-s-impose

Anecdote/Dave Brubeck

J’apprends à l’instant le décès du plus souriant jazzman, Dave Brubeck ;-(
Un souvenir:
J’allais voir mon professeur de chant à New York. 
En décembre, j’y passais une bonne semaine, à l’approche de Noël. Me baladant sur la Fifth Ave un samedi, sur le perron d’une église je vois une annonce qu’une cantate de Noël de Dave Brubeck sera présentée le lendemain à 15h00.
Curieuse, je m’y présente. J’étais loin de me douter qu’il serait là pour la jouer…
Grâce à son sourire, sa musique joyeuse et entraînante, j’ai passé un très bel après-midi!