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Moi, c’est Renée que j’aime le mieux !

Octobre 1987. C’était à Paris, au Centre culturel canadien. Toutes les deux étions affairées à la préparation de nos récitals respectifs dans la petite salle du Centre.

J’ai eu la maladresse, ou plutôt l’indélicatesse de la « bousculer », étant probablement pressée par tout ce que je souhaitais accomplir pendant ce court séjour au Studio du Québec — j’étais la première récipiendaire à n’avoir que six mois… N’empêche. J’en ai conservé du remords.

Janvier-février 1994, la voilà dans la salle où je m’expose comme comédienne-chanteuse dans la production de Le roi se meurt de Ionesco. J’y tenais le rôle de la servante Juliette et j’avais la direction musicale du spectacle. On ne pouvait me manquer : en plus de mon rôle, je chantais du Mahler, du Hugo Wolf et d’autres pièces mettant en voix toute la distribution.
À la fin du spectacle, je me suis précipitée dans le hall du théâtre La Veillée, aujourd’hui Propero. Elle était toujours là. Je n’avais qu’une hâte : m’excuser !
Mais surtout en profiter pour la féliciter : sa voix était plus belle que jamais et j’avais tant apprécié la délicatesse de son chant dans l’opéra Nelligan.

À peu près cinq ans jour pour jour (printemps 2014), je lui demandais d’être la marraine de la création de mon « Opéra-Chansons » WXYZ… Code secret. Robert Langevin, son conjoint, m’apprend alors que Renée était désormais trop malade pour accepter quelque responsabilité de nature culturelle et publique, sans toutefois que je sache de quoi elle souffre.

Son état déclinant était connu dans le milieu mais ce n’est que tout récemment que la nouvelle a sorti. Une initiative d’hommage, certes de bonne foi, l’étouffe, plus que ne la mette véritablement en lumière. L’enterre avant l’heure…

C’est ELLE que je veux entendre ! L’original est de LOIN supérieur à toutes ces chanteuses qui ne lui vont pas à la cheville comparé à son intelligence créatrice et la qualité de sa voix. Elle a eu la sagesse d’en prendre soin mieux que personne pour la mettre au service de ces créatrice (Clémence) et créateurs (Brassens et Ferré) qu’elle a su honorer avec tant de grâce, là où était sa véritable « maison » artistique.
Aucune d’elles n’a jamais su apporter autant de nuance, de simplicité et de caractère tout à la fois dans leur chant et leur interprétation. Le raffinement est devenu une denrée rare…
L’ayant « connue » avant l’ère Venne, le chemin parcouru est impressionnant.

Moi, c’est « Renée que j’aime le mieux* » !

*en référence à Moi, c’est Clémence que j’aime le mieux

 

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Choisir son public ?

Ce matin, on nous apprenait le décès de Pierre Lalonde. J’ai grandi avec Jeunesse d’aujourd’hui. C’est par rien !
À la radio, on nous faisait entendre ses succès. Mais également là où il voulait amener son public. On y a donc diffusé une chanson que j’ignorais. Un air de Stéphane Venne. Un style tout à fait nouveau pour lui, où l’on percevait enfin une voix sans artifice, pure. La sienne, véritable.
Or, le public n’a pas suivi. Pierre Lalonde s’est donc recyclé en homme d’affaires plutôt que de rester captif d’un public qui ne comprenait pas son nouvel élan, là où était son désir « d’élévation ».

Même histoire pour Donald Lautrec. Souvenez-vous de Le mur derrière la grange. Cet album fut un flop monumental alors que le projet, lui aussi, s’avérait d’une qualité non équivoque. Au lieu de rester captif d’un public qui semblait refuser de comprendre, il s’est recyclé à son tour en homme d’affaires prospère et sortir enfin des feux de la rampe.

C’est tout le contraire avec Ginette Reno. Alors qu’elle aurait pu devenir une des plus grandes chanteuses de jazz, elle a choisi son public, prétextant qu’il ne la suivrait pas. Avait-elle raison ? Financièrement, sans doute. Artistiquement, c’est discutable.

La vraie gagnante dans tout ça : Renée Claude !
Telle est mon opinion.

Faisant carrière comme interprète de chansonniers « obscurs », les chansons de Stéphane Venne, pourtant à la même époque que Pierre Lalonde, ont fait d’elle une star. Elle a ainsi conquis un nouveau public !
Gagnante, parce qu’elle a persisté à imposer à ces fans ses goûts et ses désirs en lui offrant, au moins, trois spectacles remarquables : Clémence, Brassens et Ferré. Très pointu comme contenu, mais ainsi, elle a su respecter son intégrité artistique.
Certes, elle n’a jamais vécu aussi richement, semble-t-il, par contre, elle a toujours offert un produit à haute teneur artistique en plus d’être reconnue à sa juste valeur par le milieu. Il ne reste qu’à l’Adisq de se manifester…

La rançon de la gloire, est-ce le prix à payer pour avoir un public ?